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Échapper à la moyenne sottise

Pontcerq - Meens - Núñez
1er octobre 2022, par Dominique

Felipe Núñez, Para escapar de la voz media,

Junta de Extremadura, 1998 :


Voici la quatrième de couverture de ce livre que me remit Felipe Núñez en mars 2006 à l’occasion de notre rencontre à Salamanque. On devrait pouvoir y lire pourquoi j’avais décidé ce long trajet. Je n’y allais pas écouter les cigognes.

Serait-il vrai qu’en cette fin de siècle fatiguée, il n’est plus possible de penser ? Serait-il vrai qu’après tous ces après, la philosophie n’a pour tâche que celle, posthume, de sa répétition ou de sa célébration, de son effondrement dans la philologie ou la littérature ? Ou bien la pensée doit-elle regarder ailleurs – dans la zone étendue des ombres – et se travestir en une psycho-sociologie du présent qui ne serait qu’un peu plus intelligente que ce qui est habituel dans ces disciplines ? Sous la menace de ces questions rhétoriques – la réponse est toujours un « oui » d’une unanimité suspecte –, ce texte se débat. Car la « voix moyenne » est, entre autres, le nom de la paralysie, de la banalité ou du silence retentissant auxquels nous pressent ces fausses questions. Le yang et le yin de la culture mondiale constituent, respectivement, le caractère light, éclectique, flasque de toute représentation – un caractère qui n’est pas d’époque, postmoderne, mais éternel, essentiel – et le caractère toujours solide, concret, cohérent de ce qui est représenté. Cette asymétrie conduit à un malaise dans la culture qui, à la fin du siècle, a paralysé le malaise dans l’écriture, tout dissimulé qu’il est entre rires idiots et mille grimaces. « Pour échapper à la voix moyenne » dénonce cette inadéquation entre représentation douce et référent dur, et la dénonce parfois avec des mots grossiers. La philosophie n’a toujours rien fait d’autre, elle n’a jamais voulu abolir aucune autre distance et différence que celle-là. Célébrons donc le fait que, malgré les noirs pronostics, et depuis la périphérie la plus grossière, il est encore possible de penser.


La portée de la dernière intervention, ce jour, 29 septembre 2022, de l’Institut de démobilisation (section rennaise) prend toute sa valeur historique au regard du propos précédent. Car penser, comme le démontrent les auteurs de
De la faiblesse de l’esprit critique envisagé comme « compétence » n’est plus, quinze années après la clameur de Núñez (y a veces clama con palabras gruesas), cette fois du tout, discuter de fausses questions, se débattre contre elles, tenter d’y échapper. La sottise aura pris depuis ce temps relativement bref une extension, un poids, que les seuls regrets de vieillards, cet air connu de la décadence, ne sauraient plus masquer. C’est qu’aujourd’hui, ce sont de jeunes gens qui voient l’obscurantisme scientifique engloutir les amphithéâtres de leurs universités, comme je le vois piétiner les parterres de nos librairies et bibliothèques.

On lira l’intervention Pontcerq sur leur site, ou ici-même en pièce jointe.


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