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Oléron dérive

chapitre 5 page 211
6 avril 2016, par Dominique

Je commence par le vrai faux. Un garçon sérieux qui s’était intéressé à la question des déchets me fit noter une jour que je maugréais contre un envol de sacs plastique la différence entre pollution visuelle et pollution empoisonnante. Songez-donc à ce que nous renvoie l’océan, mais surtout à ce qu’il ne peut roter sur nos plages, de l’avoir digéré. Ces tonnes de bouchons, de cartouches, de débris plus ou moins situables, aux couleurs vives du marchandézingue, ne nous ferons guère de mal. Une pensée tout de même pour les éboueurs des mers, qui avalent ça et le régurgitent à leurs petits, et pour les tortues marines myopes comme des taupes. Nos plages ne sont donc, elles aussi, que vraies fausses. Continûment circulent tout au long des zones balnéaires maints véhicules publicitairement revendiqués par nos institutions décentralisées. Ces engins plus ou moins bien outillés et conduits transforment un dépôt d’ordures en plage estivale. Les courants veulent heureusement que certaines zones soient plus (ou moins, selon le point de vue, n’est-ce pas) épargnées, en conséquence privilégiées. C’est là, sur les étendues sableuses les plus larges et longues et lumineuses de l’île, cher David Attenborough, que je vous propose de me retrouver. Posez donc votre hélicoptère.

Le lisible ne saute pas aux yeux déshabitués. Notre quotidien télévisuel et nos habitudes décadentes nous ont tordu l’œil sur l’image. Je suppose d’ailleurs que nous serions bien incapables d’inventer l’écriture, dont on nous débarrassera bientôt. L’océan est capable d’images. Dans ce domaine il est même plutôt débrouillard et pourrait trouver une école des beaux-arts à sa mesure, qui est impressionnante. Tenez, voici par exemple un chaman qui ne manque pas d’élan, fait d’algues et d’une brindille astucieusement placée. Cent pas plus loin qu’a-t-il chiffonné là coincé par un bloc d’argile ? Ce qui n’est pas sans nous évoquer Kleist et ses marionnettes, qui ne manqueront plus de nous sauter aux yeux, fabriquées de bric et de broc. L’Atlantique, tout vieux qu’il soit, est bon élève et bon maître à la fois. Laissez-lui quoi que ce soit, ses vagues manœuvrières en feront quelque chose. D’autres s’y mettent avec lui, les bécasseaux par exemple, qui réalisent des façons de tablettes phéniciennes ou de caractères chinois. Cependant sa retenue lui permet de passer outre ces moments spectaculaires et de toucher à d’autres rythmiques qui offrent parence au lisible, enfin. J’écris « enfin », puisque c’est à sa recherche que je suis, vous le savez mon cher David, appliqué. Ne mettez pas vos pieds n’importe où, je vous prie.


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